NO WORDS. JUST FRIENDS.

ARIZONA | MILENA

« Et ne me… » Milena claqua la porte, dans un élan de colère qu’elle ne maîtrisait pas vraiment. Son père n’avait même pas eu le temps de terminer son monologue moralisateur, qu’elle avait déjà tourné les talons pour fuir ces mots qu’elle ne souhaitait pas entendre. Ces derniers temps, le papa surprotecteur qu’il était devenait agaçant au possible. Ou bien était-ce elle qui était tendue ces derniers temps, s’emportant pour un rien ? A fleur de peau, Milena avait tendance à partir au quart de tour à la moindre remarque. Son sale caractère s’embrasait et faisait d’elle une vraie petite tornade, imprévisible et parfois même portée par des excès de violence. Aujourd’hui ça n’était qu’une porte claquée, mais elle sentait qu’elle avait besoin de décompresser. Cependant, parler d’elle, confier son ressenti et ses émotions, n’avait jamais été quelque chose d’aiser pour elle. Au contraire, cela pouvait même s’avérer être une épreuve : trop fière pour dévoiler des faiblesses, redoutant ces dernières en avouant une certaine sensibilité… Milena était convaincue que parler de soi n’était pas quelque chose qu’elle pouvait se permettre car jamais elle n’arriverait à maîtriser ce feu ardent qui la consumait doucement. Alors pour se sentir mieux, sans avoir à franchir ce cap, elle savait qu’elle pouvait compter sur Arizona.

Un simple texto, et Milena donnait rendez-vous à son amie sur Sunset Boulevard, prétextant une envie soudaine et irrépressible de shopping entre filles, pour voir sa bouille d’ange et se changer les idées. Elle savait qu’avec elle, la pression retomberait d’un cran et qu’elle retrouverait plus facilement son insouciance et son indifférence face au monde et ces soucis. La relation des deux jeunes femmes avaient toujours fonctionné ainsi, reposant sur un contrat tacite et naturel, un soutien mutuel. Quand l’une n’allait pas très bien, l’autre se pointait pour chasser les tracas sans avoir à en parler, à l’expliquer, à le reconnaitre. Et c’était peut-être ça qui rendait Arizona si importante dans la vie de Milena ; elle qui avait tendance à conserver une certaine distance avec les gens. D’ordinaire, tout n’était qu’apparences et faux-semblants, comme une couche de vernis qui l’aidait à se protéger d’une société dont on ne pouvait pas nier l’hypocrisie. Et elle était la première à jouer de ces codes et ces manières ; aussi bien dans le travail que sa vie personnelle. Mais face à la brunette, elle affichait une toute autre facette de sa personnalité, et cela s’avérait plutôt bénéfique. Au moins, elle ne frôlait pas l’implosion…

L’attendant sagement à l’angle de la 47ème rue, Milena cachait son regard bleu et glacial derrière ses lunettes de soleil. Elle observait les badauds, sans un mots, cherchant machinalement à à apercevoir la silhouette élancée de son amie. Cette simple arrivée suffirait à faire naître un sourire en coin, franc et spontané sur les lèvres rosées de la jeune femme.

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ARIZONA | MILENA

Pas de banalités. Pas de phrases toutes faites et d’attitudes mielleuses en compagnie d’Arizona. C’était là un vrai avantage aux yeux de Milena, qui usait et abusait de ces usages au quotidien. Elle pouvait se montrer sous un nouveau jour auprès de la brunette, et en savourait chaque instant puisqu’elle y retrouvait une certaine part d’insouciance et de légèreté. A peine Arizona l’avait-elle rejoint qu’elle lui faisait la bise et s’empressait de lui indiquer une boutique de lingerie dans laquelle il fallait absolument qu’elles se rendent. Il n’en fallait pas plus pour enchanter la jeune russe, à qui on aurait probablement pu coller l’étiquette de collectionneuse de parures de lingerie. Tous les modèles, toutes les colories, toutes les formes… Milena esquissa donc un sourire en guise de réponse, tout en émettant une légère pression sur les mains de son amie, qui s’était emparée des siennes un peu plus tôt. « Une urgence ? Mais qu’est-ce qu’on attend ?! » Elle l’entraîna aussitôt dans cette direction, laissant tout de même le soin à la miss Williams de la guider puisqu’il s’agissait de ses propres repérages. Faire du shopping était d’ordinaire un passe temps plutôt agréable, claquant de l’argent sans vraiment le compter. Mais lorsqu’il était fait en bonne compagnie, c’était encore mieux. Réajustant la anse de son sac à main, elle se tourna vers Arizona tout en continuant d’avancer. « Comment est-il cet ensemble ? » -demanda-t-elle, curieuse qu’elle était. « Plutôt fleur bleue ? » Elle afficha une petite moue boudeuse tout en battant des cils. Les mains venant se caler sous son menton, elle faisait des tonnes et surjouait un personnage niais au possible. « Ou du genre sauvage ? » -ajouta-t-elle avec un air félin, comme si elle était ‘’armée’’ de griffes, fronçant le nez et plissant légèrement les yeux pour accentuer son regard déjà charbonneux. Elle ponctua ses interrogations d’un léger rire cristallin, s’amusant de ces descriptions assez clichées dont elle avait l’habitude. Associer des attitudes à des ensembles s’avérait souvent très amusant, et pour sa part elle n’hésitait pas à en jouer. Ici, autant taquiner un peu la belle qui la conduisait dans cette boutique.

En franchissant le seuil de la porte, Milena se sentit comme au paradis. Ses yeux pétillaient, allant d’une mannequin à un autre, d’un soutien-gorge à un petit tanga, sans oublier les autres porte-jarretelles, strings et compagnie. La collection possédait des teintes acidulées, douces mais pas moins intenses. Si elle s’était écoutée, elle aurait dévaliser la boutique. « Attends ! » Elle stoppa Arizona dans son élan et reprit : « On va voir si j’arrive à deviner de quel ensemble il s’agit ! » Elle lui fit un clin d’œil, jetant pour commencer un regard en direction de la vitrine dans laquelle se trouvait trois modèles. Elle s’avança vers le premier, et grimaça en pointant du doigts les motifs. « Rassure-moi, ce n’est pas ce truc ?! » C’était très loin d’être aux goûts de Milena et elle espérait de tout son cœur de serial shoppeuse qu’il en était de même pour son amie. Elle pointa alors un second ensemble, sans vraiment laisser le temps à Arizona de répondre. « Celui-là ? »

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Maigrir ? Peut-être un peu… Ces derniers temps le stresse était au rendez-vous, lui nouant l’estomac jusqu’à lui couper l’appétit. De plus, la jeune femme était loin d’avoir un rythme de vie très sain et équilibré. Elle enchainait les soirées, dormait peu et consommait toutes sortes de choses, loin d’être recommandées… En soit elle avait de sales habitudes et lorsqu’elles étaient couplées à quelques angoisses, ça donnait ce résultat : une légère perte de poids, selon son amie. « Mes grosses fesses ?! » Elle fit d’abord mine de s’en offusquer, tout en pressant le pas. « Tu vois ce derrière ? Il est parfait ! » Elle ponctua ces éloges à l’égard de sa propre personne par un léger rire, amusé à souhait. Connaitre ses atouts était une chose, et en jouer, s’en amuser, était de paire ! Il suffisait de la voir faire ses imitations en pleine rue pour constater qu’elle ne se prenait pas tellement au sérieux. La réponse d’Arizona la fit d’ailleurs beaucoup rire. Genre culotte de grand-mère… « Ouh… Trop sex’ ! » Elle fit un clin d’œil exagéré à son amie, et passa devant elle alors qu’elle lui tenait la porte de la boutique.

Voilà, elles y étaient et Milena avait envie de jouer aux devinettes. Elle se baladait devant la vitrine et montrait des modèles à Arizona, tentant de trouver celui qui aurait fait craquer la jolie brunette. Et puis elle ne se gênait pas pour donner son avis au passage. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche, et si elle trouvait quelque chose était laid, elle le formulait haut et fort. Comme le premier ensemble exposé par exemple, qui récoltait grimaces et commentaires en tout genre. « Oui, très tendance… » Elle émit une légère pause, tentant de rester sérieuse. « Mes yeux saignent. » -lâcha-t-elle soudainement, en glissant ses mains sur ses joues. Malheureusement pour elle, sa suggestion n’était pas la bonne. Elle aurait pu être gagnante, selon les dires d’Arizona… Comme quoi, elle la connaissait tout de même assez bien ! Mais c’était le rouge et la dentelle qui avaient su séduire la demoiselle, constituant un ensemble des plus sexy. Milena esquissa un large sourire, approuvant le modèle et la jeune femme qui allait l’essayer. Aux vues de ses mensurations, de son regard sombre et de ses cheveux magnifiques, il n’y avait pas de doute que l’ensemble lui irait à ravir… Féline à souhait ! A tel point que la remarque était inévitable et que quelques questions brûlaient les lèvres de la jolie poupée, d’ordinaire de glace. C’est que son amie penchait beaucoup plus vers le style tigresse imité un peu plus tôt ! Arizona la devança, lui coupant l’herbe sous le pied en affirmant qu’elle n’avait aucun rencard. « Aucun ?! » -s’exclama-t-elle, surprise. Il était plaisant de porter de la belle lingerie mais… Elle comptait porter ça pour son plaisir personnel ? Jouer les égoïstes ? Se faire du charme devant le miroir ? Mais quand d’autres auraient insisté et joué les fouines, Milena se contenta d’un simple haussement des épaules, reportant son attention sur les présentoirs. « C’est dommage. Du gâchis même ! »

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Pas de prises de tête, pas de complication ou de retenue entre elles… Il ne s’agissait que de deux amies, qui se laissaient aller à tout le naturel du monde lorsqu’elles étaient ensemble. Ça n’était que franchise et spontanéité, chose qu’appréciait vraiment Milena. Elle qui évoluait dans un milieu d’affaires, toujours plus hypocrite chaque jour, elle prenait plaisir à profiter de ces moments de détente en présence de la brunette. Aujourd’hui il s’agissait de shopping, et plus précisément de lingerie. Comment ne pas se sentir à son aise ? En tout cas, Arizona savait déjà ce qu’elle voulait puisque la jeune femme repérait les ensembles en vitrine ! Celui qu’elle avait en main était vraiment joli, chose que confirma la jeune russe alors qu’elle les présentait devant elle, par-dessus ses vêtements. « On ne dira pas le mot coquine… Juste pour la forme ! Mais oui, je pense qu’il t’ira super bien ! » Avec ses yeux de biches et sa tignasse brune, Arizona n’en serait que forcément sexy et « féline » comme elle disait si bien. Le rouge flamboyant de la parure ajouterait un peu de piquant, et c’était sans doute l’effet qu’elle recherchait. Une vendeuse leur apporta des petits paniers pour leurs futurs achats, tandis que les deux jeunes femmes reportaient leur attention sur les portants. Milena avait jeté son dévolu sur un modèle aux couleurs vives et acidulées, concentrée sur la lecture des étiquettes pour y trouver sa taille. Et la conversation allait bon train ; Arizona amenant alors le sujet suivant… Et quel sujet !

A peine avait-elle fini sa première phrase, que Milena relevait la tête avec des yeux ronds comme des billes. « Pardon ?! » Si les deux demoiselles savaient qu’elles n’avaient pas besoin de forcément tout se raconter, ou du moins qu’elles n’avaient pas à se sentir contrainte de se confier ; elles ne se dévoilaient pas moins l’une à l’autre… Au contraire, elles le faisaient presque plus facilement, si bien que Milena avait connaissance des histoires de son amie, de son passé. Et pour le coup, cet aveu était assez surprenant ! C’était même une révélation qui lui coupait le sifflet ! « Son frère ?! » -répéta-t-elle, comme si elle avait eu une hallucination auditive et qu’elle demandait confirmation. Arizona avait bien évidemment deviné qu’elle l’étonnerait plus que de raison, si bien qu’elle avait pris la fuite en s’éloignant quelques rayons plus loin. « Hop, hop, hop ! Mademoiselle Williams, revenez ici ! » Certes, elles ne se forçaient jamais la main pour parler de leurs histoires respectives… Mais là, elle venait tout de même de balancer une sacrée bombe ! Milena rejoignit alors d’un pas pressé la jolie brune. « Son frère ? Le grand baraque, là ? Avec des yeux de folie ? » Elle n’en revenait pas ! Alors pour quelqu’un qui n’avait pas de rencard… Tu m’étonnes ! Les petites tenues à dentelle, on savait pour qui c’était maintenant ! Avant même qu’elle ne puisse vraiment lui répondre et lui fournir plus d’explications, Milena ajouta une énième question à sa petite liste, le plus naturellement du monde : « Alors, c’était bien ? » Oui, pas de jugement, pas de pression… C’était du Milena, avec sa légèreté habituelle !

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Lorsqu’il n’y a aucune pression et aucune attente envers ses proches, les choses sont tout de suite plus simples. On se laisse aller, et on en arrive parfois par déraper sans même s’en rendre compte. Arizona, par exemple, venait de laisser échapper une véritable petite bombe, en avouant à son amie qu’elle avait couché avec son beau-frère. De quoi vous surprendre, non ? Milena n’avait donc pas pu cacher son étonnement, et s’en était alors suivi une vague de curiosité digne d’une vraie copine ! Ça n’était pas du commérage, loin de là puisque la jeune femme n’allait en aucun cas diffuser l’information -si ce n’est même le « scoop », quand on connaissait un peu le personnage médiatique qu’était Will Johnson. Mais un réel intérêt pour le sujet, pour la vie de la jeune femme ! D’ailleurs l’avait-elle confié spontanément, ou bien avait-elle eu ce besoin d’en parler, se tournant vers la blondinette en sachant qu’elle pouvait lui faire confiance ? Car oui, Milena était de celles qui gardaient précieusement les secrets. On pouvait essayer de lui retourner la tête à coup de shooters de vodka, jusqu’à lui donner l’impression qu’un rouleau compresseur lui avait littéralement broyé le cerveau : elle ne lâchait rien ! Les menaces, le chantage, un regard de tombeur…? Définitivement, si on lui confiait quelque chose de personnel elle cadenassait sa petite bouche et jetait la clé au loin !

Elle avait suivi Arizona à travers la boutique, demandant confirmant de crainte d’être sujette à des hallucinations auditives. Et la belle avait validé l’information, avouant même que c’était wow ! « Ah j’en était sûre ! » -lança-elle, le plus naturellement du monde ! Face au regard que venait de lui adresser son amie, elle esquissa un sourire amusé et haussa les épaules. Ça n’était pas pour rien qu’elle avait collé sur la tête du grand blond l’étiquette de « baraque aux yeux de folie » ! Elle n’avait pas manqué de mater le spécimen et de se faire un avis fondé sur de purs suppositions. Milena avait une imagination très fertile, pour ce genre d’exercice elle était la reine ! Les joues désormais rosées, passant et repassant ses mains dans ses cheveux, Arizona se prenait la tête. Elle entamait son petit monologue, se posant des questions et apportant elle-même des réponses. Et puis elle allait et venait dans tous les sens, finissant presque par filer le tournis à Milena. Cette dernière n’eut pas le temps d’en placer une, observant d’un air taquin son amie. Elle était belle, tiens ; à se mettre dans un état pareil ! La jeune Azarov était du genre à toujours relativiser. Si les choses étaient faites, à quoi bon remuer ciel et terre pour les expliquer et se flageller seule pour une bêtise commise ? On pouvait considérer cela comme de l’insouciance, certes… Du foutage de gueule aussi. Mais elle aimait appeler ça : de la légèreté ! Quand Arizona s’empara de ses mains et lui demanda de la gifler tout en la traitant de folle, Milena arqua les sourcils et ouvrit grand les yeux. « Pardon ? » La belle grimaçait en attendant la tape, c’était presque comique ! Alors Milena dégagea une de ses mains, et au lieu de venir l’abattre -délicatement- sur le visage de sa copine, elle préféra lui claquer gentiment le derrière. « Ho ! On se ressaisit ! De nous deux, c’est moi qui tient le rôle de l’hystérique… Qu’est-ce tu nous fais, là ? » Elle ne pu s’empêcher de rire doucement et reprit : « Bon ok, ce n’est pas top-top d’avoir fait ça, vis-à-vis de Cameron. Mais c’était pas prémédité, c’était… » Là, elle cherchait de détendre l’atmosphère, se rendant bien compte qu’elle allait devoir sortir les rames pour trouver des arguments en béton. Quand tu merdes… Tu merdes, quoi ! « Si je peux me permettre… Pourquoi t’as fait ça ? …Sans aucune jugement hein ! Juste pour comprendre. » -précisa-t-elle, en accompagnant sa réplique d’un clin d’œil. Arizona savait pertinemment que si elle ne souhaitait pas en parler, il lui suffisait de brandir un soutien-gorge et de foncer dans une cabine. Milena aurait compris le message !