Les parcs de LA étaient le lieu idéal pour tout artiste un peu en manque d’inspiration. Il y avait tellement de mouvements et de choses qui s’y déroulaient qu’il était impossible de rester blasé en les traversant. Plus que sa multitudes de bars, Desmond adorait s’y rendre afin de puiser de l’inspiration à transmettre à ses œuvres qu’il appelaient modestement des gribouillis même s’ils n’étaient pas toujours couchés sur le papier. Les bouclettes négligemment coiffées, clope au bec et petit débardeur simple avec jean près du corps il avait pris un paquet de polaroids vierges et son vieil appareil déniché dans une brocante pour une bouchée de pain. Il aimait ça, que les photos soient prises sur le vif et impossible à retoucher. Cela leur donnait une authenticité qui s’était perdue à l’âge du numérique.

A ses yeux, même les détails les plus anodins trouvaient leur intérêt, aussi il ne réfléchissait que peu avant d’appuyer sur le déclencheur. Il saisissait ensuite le cliché et l’agitait dans les airs, soufflant dessus pour vois doucement l’image apparaître. Et cette fois-là, lui tira un soupir amusé. Bien que l’homme ait été en mouvement, il reconnaissait sans trop de peine la silhouette. Non qu’il le connaisse bien, mais disons que son visage portait les traces évidentes de leur rencontre brutale. Et tout ça pour un baiser innocent.

« Hey ! » Il s’était lancé à sa poursuite sans trop savoir pourquoi, agrippant son épaule d’une main pour le faire se tourner vers lui.

« Je me sens obligé de vous filer ça. C’est la preuve que vous pouvez sourire parfois. » S’il s’était lancé à l’assaut de sa bouche, c’est qu’il avait trouvé son regard étrangement triste et il avait voulu lui redonner de la couleur. Pas une il ne s’était imaginé que le bel inconnu allait lui répondre en lui flanquant un coup de poing en pleine tronche.

« Ca va ? Parce que je vous ai trouvé sacrément en pétard pour quelque chose d’aussi banal qu’un baiser. J'vous ai sentit répondre un peu pourtant. »

Bon, soit l’homme était plutôt du genre tendu, soit il avait un peu de mal avec les contacts physiques et en particulier ceux d’un homme car quand il le repoussa, Desmond jugea prudent de s’éloigner de quelques pas. Il Haussa vaguement les épaules, n’osant pas dire au bel inconnu qu’il était carrément plus canon quand il souriait car il voyait bien que celui-ci était parti pour lui jouer le scénario complet de l’hétéro outré et atteint dans sa virilité. Sauf qu’il n’avait jamais connu un homme ayant déjà essayé de se fourrer quelque chose dans la porte arrière et ne pas vouloir y revenir. Simple question d’anatomie. Alors il lui servit un petit sourire séducteur et éloigna d’un geste son doigt qui pointait vers son visage. Il n’allait pas non plus insister sur le fait qu’il avait bel et bien sentit sa langue se joindre au festin.

« C’est votre œuvre macho man. En général je me prends un autre genre de coups. » Il Chercha son regard, laissant son sourire s’agrandir encore, trop heureux finalement de bousculer un peu un bourgeois trop sûr de lui. C’était comme ça, il arrivait à les renifler.

« Puis c’est bon dramatisez pas, on est en 2016. Vous serez pas pendu par les couilles pour avoir joué à frotti frotta avec un autre gars. Ces histoires de sexualité c’est un peu surfait de toute façon. » Dit-il, en se rallumant une clope et en renversant la tête en arrière pour souffler la fumée. Il laissa le cliché entre les mains du beau brun, ricanant quand il se mit à commenter son travail. Bien sûr, il devait aller à des expositions le weekend avec sa bourgeoise. C’était un truc de mec avec du pognon ça, de donner son avis sur tout.

« Merci. Mais le modèle à tout fait. » Lança-t-il nonchalamment. « Je l’ai déniché dans une brocante. C’était parfait pour mes maigres moyens d’étudiant. Puis j’aime le rendu. Vous êtes photographe ? » Il l’observa plus attentivement, lui et sa belle chemise de marque qui tombait parfaitement sur ses épaules. Soit il avait du succès, ce qui était rare, soit il touchait à quelque chose d’autre, en tout cas la vie lui réussissait.

« Vous m’payez un hot dog pour vous excuser de m’avoir agressé. » Il le fixa à nouveau dans les yeux, sourire de petit diable aux lèvres.

« C’était juste un baiser. » Fit remarquer Desmond, qui définitivement ne voyait pas le mal dans ce qu’il avait fait. Il ne savait pas trop pourquoi mais il avait perçu un vide chez le jeune homme, alors même qu’il dansait et qu’il était censé s’éclater. Il avait voulu le sortir de ce gouffre en faisant quelque chose d’un peu exceptionnel et il ne lui en voulait pas vraiment pour le coquard. Cela prouvait qu’il était toujours vivant. Que quelque chose vibrait toujours à l’intérieur. Mais il n’aurait pas cru que la rancœur allait perdurer, plutôt que la curiosité irait s’installer. Il haussa les épaules, signifiant qu’il prêtait peu d’attention l’état de son visage. Bizarrement, cela avait encore accru ses chances de conclure.

Il se contenta de sourire en récupérant sa photo. Le vétérinaire lui répondait mais restait extrêmement vague quand il s’agissait de lui-même. Il s’intéressait à des choses. Plus vague tu meurs. Mais il le surprit en acceptant de lui payer à manger. Il semblait réagir de façon épidermique à sa présence et vouloir se débarrasser de lui au plus vite. Pourtant il le mena jusqu’à un vendeur de hot-dogs, qu’il semblait d’ailleurs connaître.

« Desmond. » Lâcha-t-il enfin, ne l’ayant pas quitté du regard pendant quelque temps. Il l’avait remarqué déjà auparavant, la couleur incroyable de ses yeux. La photo était allée directement dans sa poche arrière, il ne comptait pas la perdre. Quelque chose chez le doc’ lui plaisait énormément. Il se choisit un sandwich avec un supplément de choucroute et une bière pour l’accompagner.

« Oh… J’y reviens un peu mais quand vous dites que vous n’êtes pas intéressé par les hommes… Vous avez tenté l’expérience au moins une fois non ? Pour savoir. » Il était allé s’assoir sur un banc pour pouvoir déguster son hot-dog tranquillement. La bière posée à côté de lui. « Parce que j’ai du mal à y croire Doc’… J’ai bien sentit un peu de langue la dernière fois. » Il sourit encore, goguenard. D’accord, il admettait, il aimait bien le voir s’emporter et s’empourprer un peu. Et en ayant pleinement conscience de ce qu’il faisait, il colla sa cuisse contre celle du vétérinaire en cherchant son regard.

« Un baiser c’est toujours difficile à refuser. Tant que la personne n’a pas mangé d’ail. » Répliqua le jeune brun avec plaisanterie. La vérité était que ça lui était déjà arrivé. Il avait la blague facile et sa bonne gueule n’aidait pas. Sous prétexte qu’il avait un physique agréable, hommes comme femmes se sentaient en droit de le toucher comme bon leur semblait. Bon… Il aurait eu tort de trop s’en offusquer vu qu’il avait agi de même avec le beau Yannick. Mais pour sa défense, le beau vétérinaire ne lui laissait pas forcément les idées claires. Il s’était fait une très nette idée de ce que cela serait que d’avoir ses lèvres autour de son membre.

« Avec des femmes ? Quand j’étais plus jeune oui. Il faut goûter à quelque chose avant de dire qu’on n’aime pas. » Et c’était un principe qu’il appliquait constamment et pour tout. Un peu sa façon à lui de se lancer dans la vie. « Pour être sûr j’ai même essayé plusieurs fois, parce que mes potes de lycée étaient vraiment à fond sur les seins, tu vois ? » Il mima deux gros obus avec ses mains. « Mais un joueur de foot m’a coincé une fois dans les douches. Et alors je peux te dire que j’ai compris que je préférais quand on me chatouillait la prostate. Pas lui apparemment. Il s’est marié il y a six mois. » Il haussa les épaules, comme s’il plaignait sérieusement le pauvre bougre. Il savait déjà qu’il avait des risques de le voir traîner dans les vestiaires d’une salle de sport d’ici quelques mois, pour évacuer un peu de sa frustration sexuelle.

Il admettait se conduire sans trop de gêne. Mais il avait vu chez Yannick quelque chose qui lui plaisait et il ne se cachait jamais de ses préférences. Il trouvait la vie trop courte pour cela. Mais son regard se troubla et ses lèvres se pincèrent quand d’une, le jeune homme s’éloigna, et de deux, l’accusa de jouer avec lui. La séduction était un jeu oui, mais jamais aux dépends des deux intéressés. Desmond ne cherchait pas à prouver quoi que ce soit en agissant ainsi. Il avait simplement était attiré par la présence du grand brun.

« Non c’est sûr. » Ses sourcils se froncèrent et il regarda son hot dog pour lequel il n’avait plus d’appétit. « Je suis désolé de vous avoir donné cette impression Yannick. C’est juste que quelque chose chez vous m’a plu et j’ai voulu tenter ma chance. » Il esquissa un sourire désolé et se leva pour aller jeter le sandwich dans une poubelle proche. « Une bonne après-midi à vous… »